Deux pierres dans la rivière du temps ||-PV Vincent [Terminé]

Il était venu. Entre les murs du manoir Shinra qui renfermaient tant d’histoire, tant de souvenirs merveilleux et effroyables, il était venu. Comme dans sa jeunesse, Vincent l’avait cherchée du regard. On aurait dit qu’il s’attendait à voir un pan de sa blouse blanche disparaître au détour d’un couloir. Il aurait couru la retrouver, se voyant comme autrefois aligner des mots en s’efforçant de ne pas les bafouiller devant son sourire doux, patient et amusé. Ce n’était pas seulement une autre époque, c’était comme une autre dimension qu’il pouvait observer d'ici malgré lui, en ayant l’impression qu’il pourrait la rejoindre à tout moment, qu’il serait de nouveau élégamment vêtu de son costume sombre d’un battement de cils. A certains moment, il crut entendre le léger claquement de ses talons rythmant sa démarche élégante, à certains moment, il crut sentir une douce odeur de violette flotter dans l’air…. C’était pour cette raison précise que Yuffie l'avait accompagné. La dynamique ninja, par ses bavardages et remarques, ramenait toujours ses pieds sur terre. Il ne pouvait pas divaguer. Si Lucrecia était ici, Yuffie la verrait aussi... c’est d'ailleurs elle qui lui fit comprendre, après de nombreuses pérégrinations au sein du château, que sa bien-aimée ne s’y trouvait pas. Son désespoir de l’y trouver n’y changerait rien. Déçus, désolés, les deux camarades se quittèrent à l’orée de Nibelheim et Vincent s’éloigna de la ville en se rendant compte qu’il était à court d’idée, qu’il ne savait plus où chercher, où continuer. Les habitants n’avaient rien pu leur indiquer… Le chevalier solitaire avançait en luttant pour ne pas se laisser gagner par l'affliction. Vincent la trouverait, il n’avait pas le choix. Puis, à plusieurs kilomètres du village, l’écho lointain d’une grande clameur, porté par le vent, lui parvint. Sa cape écarlate fendit l’air tandis qu’il se retourna en moins de rien. Il était bien trop loin pour reconnaître qu’il s’agissait du cri caractéristique du monstre qu’il avait porté en lui pendant des années. Il était bien trop loin pour voir le carnage se déroulant à Nibelheim qui, de sa distance, n'avait tout l'air que de petites bribes de pierres. Toujours est-il, ce grabuge provenait de là. Vincent rebroussa chemin et courut dare-dare vers le village. A plusieurs reprises, son pouvoir monstrueux le propulsa sur plusieurs mètres à une vitesse telle qu'on ne voyait plus que du rouge sur l'instant. Ses yeux écarlates ne tardèrent pas à capter avec précision l'état des lieux, les maisons à moitié détruites, le château d'eau en pièces, les pics de glace émergeant du sol et des ruines... Il était arrivé trop tard. Un rugissement l'accueillit et il se figea. Cette fois, il l'avait entendu, cette fois, il l'avait reconnu... Chaos. Comment était-ce seulement possible ? Le cri avait été si puissant qu'on aurait dit que la bête était à peine à quelques mètres. Ce n'était pas le cas, on ne la voyait nul part. Vincent s'avança. Une femme morte était étendue sur le parvis à moitié détruit. Quelques personnes endeuillées, terrorisées, étaient éparpillées autour d’elle, attendant l’arrivée des secours qui les protégeraient de la menace. Le chevalier pourpre s’approcha de la scène de crime et s’agenouilla pour mieux regarder l’épouvantable blessure du cadavre. La pauvre inconnue avait dû mourir sur le coup. Cette barbarie rare était effectivement la marque de fabrique de Chaos… « L'armée est au courant ? » s'assura Vincent. On lui répondit par l'affirmatif et il leva lentement ses yeux rougeoyant vers le manoir. « En attendant l’arrivée des renforts, vous devriez rester chez vous », conseilla t-il. Le médecin de la ville, agenouillé de l’autre côté de la victime, suivit son regard. « Je peux me tromper mais... j’ai vu une femme vêtue de blanc rentrer dans le manoir Shinra… c’est  aussi de là qu'est provenu le cri du monstre… » Vincent se leva précipitamment. La lourde porte d’entrée du domaine, qu’il avait refermé en partant, était grande ouverte, tout comme les grilles. Sans réfléchir, le démon s'élança avec la peur dans le ventre. Cette femme, dont le médecin parlait... en s'approchant, il perçut les plaintes bouleversantes qui avaient attiré quelques habitants autour, pris de pitié. Personne n'osa s'aventurer plus loin pour elle cependant, si ce n'est lui.

Dans le hall d’entrée du manoir, Vincent leva le visage vers l’étage et, même s'il était difficile de savoir d'où provenaient les lamentations, il prit les escaliers de droite. Les sous-sols. C’est instinctivement l’endroit où il voulait se rendre. Son poing serré se préparait à tout moment à dégainer Cerbère en cas d'attaque. Dans l'escalier étroit en colimaçon menant au sous-bassement, ses chaussures d’or cliquetèrent fortement dans les escaliers, martyrisant la pierre. Les chauves-souris qui gardaient les lieux ne réagirent pas. En fait, elles avaient déserté l'endroit, comme effrayées par quelque chose. Le chemin n'était pas exactement le même, il manqua à plusieurs reprises de chuter sur des dalles de pierres qui avaient été raclées des murs. Le monstre s'était déchainé ici mais on ne l'entendait plus. Etait-il tapis dans l'ombre ? Et cette femme... Vincent ne supportait plus d'entendre ses pleurs et cette détresse. Sur la ligne droite du couloir sombre, la course du chevalier se fit aussi furtive et silencieuse qu’un bruissement d’ailes. Le son d'un sanglot déchirant lui retourna l'estomac. Il s’arrêta devant la salle du cercueil où il avait reposé si longtemps et y jeta un coups d’œil circulaire. Ce n’était pas là…. Le laboratoire alors. Le monstre inquiet s’arrêta une courte seconde à l’antre de la porte. C'était ici, aucun doute possible. Il chercha précipitamment et fut frappé de stupeur en découvrant l’ange vêtue de blanc effondrée au sol, derrière une cuve d'expérience. Des sanglots secouaient son corps. Cette robe, ces longs cheveux brun, cette silhouette… il l’aurait reconnue entre mille. Cette vision d'elle l'aurait tué s'il n'avait pas le malheur d'être immortel. « Lucrecia ! » ce prénom qu’il aimait tant et qu’il énonçait toujours comme une tendre prière fut clamée par une voix grave vrillée d’effroi. Peu importe qu’il s’agisse d’une illusion, d’un cauchemar qui se jouait de lui, sa Lucrecia pleurait. En moins d’une seconde, Vincent se jeta à terre auprès d’elle. Il entoura ses épaules d’un preste mouvement de son bras d'or qui les couvrit également de sa cape cramoisie. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise en se rendant compte que sa main n’avait pas rencontré le vide. Ce n’était pas un cauchemar. Lucrecia, l'amour de sa vie, était contre lui… et elle allait mal, autant que lui. « Je suis là » murmura t-il d’une voix basse qui s'efforçait d'être rassurante. "Tu es là". C’est ce qu’il avait manqué de dire tant il n'en revenait pas. « Tu es blessée ? Lucrecia… » il marqua une légère pause, assimilant difficilement que le prénom de la belle scientifique ne se perdait pas dans le néant… Sa main humaine, gantée, effleura doucement la joue en larmes de son amour. Ce si beau visage n'aurait jamais dû porter tant de douleur. Le bodyguard ne se laissa pas détourner de l’urgence de la situation pour autant. En principe, le manoir était déjà un endroit dangereux, désormais, Chaos s’était ajouté à toutes les choses qui le peuplaient. Son regard s'arrêta sur la main maculée de sang séché de Lucrecia. Cela pouvait avoir plusieurs significations qu'il refusa d'interpréter. « Je dois t’emmener en sécurité. »

HARLEY-

Vincent ne lui avait pas directement parlé depuis la première fois qu’il l’avait retrouvée dans la caverne. Ce jour-là, elle l’avait défendu de l’approcher. Aujourd’hui, les deux maudits se perdirent dans un moment d'hébétude et de reconnaissance devant cet interdit bravé. Se tenir si proche de la femme qu’il aimait plus que tout au monde était surréel. Depuis bien trop longtemps, il n'avait pas eu la chance de contempler la couleur de ses adorables yeux de biche. « Vincent ? », c’était un souffle, un chuchotis qui l’empêchait de distinguer pleinement sa voix. Ce prénom, il l’avait toujours trouvé banal, mais la scientifique le rendait précieux parce qu’elle le prononçait de cette façon bien à elle, avec cette douceur et cette intonation particulière, parfois si chantonnante quand elle était d’humeur légère. Les orbes hagards de sa tendre Lucrecia le toisèrent un moment avec tristesse, peut-être même une nostalgie déchirante. Il donnerait sa vie sur le champ pour retirer toute cette souffrance qu’il ressentait chez elle, une souffrance si forte qu’elle en était palpable. Le bodyguard n’avait jamais rien voulu de plus que le bonheur de Lucrecia, juste son bonheur. Vincent se fichait du reste. Il se sentit si impuissant de ne pouvoir rien faire, de ne rien trouver à dire immédiatement qui aurait l’effet de l’apaiser. Cet échange à la fois grave et doux entre eux ne tarda pas à se briser en mille morceaux quand ils furent rattrapés par la réalité. « Non, non ! Tu ne comprends pas !! Tu ne dois pas m'approcher ! » « Lucrecia ... ! » C’était peut-être qu’il ne voulait pas comprendre, mais la main de Lucrecia le frappa avec une puissance inouïe qui le projeta vers l’arrière. Son dos heurta la cuve avec une violence qui manqua de la briser vous avez le chic de fracasser mes personnages dans le décor. Lui, ça allait, il était solide, et très loin d’en vouloir à la brune, mais cette force…  Il resta figé de choc tandis qu’il voyait les yeux de l’ange se muer devant lui. « C'est moi le danger … Vincent … Vincent je t'en prie … tu dois l'arrêter … je ne veux pas … je n'arrive pas … » dit-elle en reculant et il ne pouvait plus s’efforcer de ne pas voir, ni de ne pas comprendre tous les indices évidents laissés sur sa route. Car il voyait maintenant sa Lucrecia devenir un monstre blafard et en agonie de violence. Il se moquait éperdument de se faire décapiter d’un coup de griffe, Chaos ne l’effrayait pas. Ce qui l’effrayait, c’était la douleur et le chagrin que devait endurer la scientifique. Cette situation était d’une injustice grotesque. Sa tendre Lucrecia était une lady d’une douceur sans pareille et d’une beauté jalousée des dieux, de quel droit Chaos était venu s’approprier son enveloppe charnelle ! Le monstre déchaîna sa violence sur la cuve mako proche de lui, prouvant qu’il n’en avait pas après son ancien hôte, lequel avait tant souffert de vivre avec pendant des années... jusqu’à l’accepter, un peu. Vincent ne bougea pas d’un iota.

« Tu ne seras jamais un danger pour moi Lucrecia, ne t’inquiète pas... », tenta t-il de la réconforter sans tenir compte de sa forme bestiale car Lucrecia était toujours là. Et que Vincent était maladroit ! Sa voix grave, qui s’exprimait mieux que lui, portait une infinie douceur montrant bien que, non, il ne la mettait pas au défi. Mais il connaissait Lucrecia bien au-delà de ce qu’il n’aurait la prétention de penser. Jamais elle ne blesserait qui que ce soit, Chaos s’en chargerait pour elle. L’un comme l’autre ne semblaient cependant pas disposés à lui faire du mal. Quand bien même, Vincent ne dégainerait pas son Cerbère contre elle et se contenterait d'esquiver, voire d'encaisser. Ses aptitudes monstrueuses ne lui permettaient pas de vaincre Chaos, mais au moins d’en réchapper. Sa priorité était de rassurer la scientifique car le démon était peut-être en colère certes mais elle, elle avait peur. « C’est normal que tu n’arrives pas à le contrôler, mais il ne changera pas qui tu es… Lucrecia, tu m’as sauvé… » rappela t-il avec une profonde reconnaissance. Elle était un ange, elle l’avait toujours été, c’est lui qui n’avait pas su la protéger de la cruauté des hommes. D'un homme. « S’il lui faut un corps, il utilisera le mien, tu n’auras pas à vivre avec. Nous trouverons un moyen, je te le promets. Lucrecia... » il prononça son prénom avec une tendresse profonde surpassant de loin tous les «je t’aime» de cette planète. Il ne pourrait peut-être jamais dire à Lucrecia qu’il l’aime de toute façon, parce qu’il était timide d'une part, mais aussi parce que ces mots portaient une forme de demande qu'il ne voulait pas lui imposer. Les dire était un peu comme attendre un retour or Vincent ne voulait rien. Juste son sourire, peu importe à qui elle l'adressait. De toute façon, aucune déclaration ne saurait vraiment décrire ses sentiments. Vincent aimait ses amis, il aimait la planète, il aimait le coucher de soleil… Lucrecia, il meurt cent fois pour elle et ça ce serait pas très romantique à dire tu vois. Le chevalier carmin leva un peu les mains en geste d’apaisement et de promesses. Il croyait en elle. Chaos pourrait s’en prendre à lui et essayer de le déchiqueter à sa guise, Vincent croirait toujours en elle, jusqu'à la fin des temps. Le problème étant qu’il ne pouvait rien faire, il ne pouvait pas contrôler Chaos à sa place. Une chose le pouvait. «La protomatéria», songea t-il tandis qu’il culpabilisait pour sa négligence suite à son utilisation. Il devait prévenir Reeve au plus vite pour lancer des recherches.« Tu ne peux pas rester ici. »

HARLEY-

« Ce que je suis, ce que tu vois, c'est ce que j'ai toujours été. Un monstre ! » Ce qu’elle disait… c’était ce que Vincent avait toujours pensé de lui-même, même si ses bonnes actions lui avait octroyé le droit de croire en sa propre humanité. Il aurait préféré ne jamais entendre ces mots sortir de sa bouche. Il aurait préféré de loin qu’elle l’insulte lui. Vincent voulait que Lucrecia retrouve foi en elle, qu’elle cesse de s’en vouloir et veuille aller de l’avant, comme Cloud. Il l’y aiderait patiemment. Cependant, Vincent n’eut pas le temps de la contredire, il se retrouva à nouveau projeté par la force du monstre et il encaissa cette violence contre lui sans la moindre contrariété. Plus que tout, le bodyguard était inquiet. La jolie brune était bouleversée. Plus ses émotions étaient instables, plus Chaos gagnait du terrain et de la colère. Que cela devienne un danger pour lui, il n’en avait cure, que cela devienne un danger pour les autres et elle-même, par contre… Et puis, s’il arrivait malheur, cela ne donnerait que plus de raisons erronées à Lucrecia de s’en vouloir. Pour rien au monde il ne pourrait le tolérer. Cette conversation était vaine car la belle scientifique voulait le convaincre d’une chose qui ne lui effleurerait jamais l’esprit. Son entreprise n’était pas ambitieuse, elle était aussi absurde que d’espérer se faire entendre par un sourd. Vincent avait toujours senti la bonté en elle, il la sentait encore malgré les efforts de Chaos pour saccager la vision parfaite qu’il avait de Lucrecia. Le doux regard de la lady avait toujours trahi qui elle était vraiment, qui elle resterait toujours pour lui. Un ange, un ange qui gardait ses vertus malgré la corruption et le vice dans lequel Hojo avait voulu la plonger.« Tu n’as rien à voir avec Chaos. Comme tout le monde, tu t’es trompée, mais tu n’as jamais voulu faire de mal à qui que ce soit », dit-il en se relevant avec son calme habituel, comme s’il ne venait pas de mordre la poussière. Sa résistance n’était pas encore trop mise à l’épreuve, bien que Chaos n’en avait pas encore fini avec lui. Sous la forme du démon albâtre, sa bien-aimée le saisit par la gorge et le souleva pour l'écraser à nouveau contre le mur. Vincent attrapa seulement son poignet sans faire pression, se rendant rapidement compte que la prise de Chaos, même si elle était oppressante sur lui, n’était pas mortel. Le démon provoquait son ancien hôte. Sauf que celui-ci connaissait Vincent depuis des années, il devait bien savoir qu’il ne pourrait pas s’attirer la colère de son vieil ami s’il revêtait le corps de Lucrecia. Ce n’était probablement pas un hasard que, dans sa quête d’enveloppe charnelle, c’était elle qu’il était venu trouver. Rien de ce que Vincent pouvait dire ne semblait en mesure d’apaiser Lucrecia, elle était sourde aux arguments elle-aussi, mais lorsqu’elle lui demanda de se justifier, de répondre à un pourquoi, Vincent le fit.

« Je n’ai pas su te protéger … je ne prendrai pas le risque de te blesser. Il le sait aussi ». Chaos connaissait mieux que quiconque les sentiments de son ancien hôte. Il en avait été témoin. Peut-être les avait-il éprouvé avec lui. Pour se tirer de ce bourbier, le chevalier pourpre trouva une autre alternative, la plus inoffensive de toutes les cartes monstrueuses qu’il avait en main : son corps se volatilisa, devenant un tissus écarlate se déplaçant à la vitesse d’une bourrasque. Ainsi il échappa à l’emprise du monstre et se rematérialisa un peu plus loin. Son regard écarlate était comme une supplique, non pour lui-même, mais pour Lucrecia. Chaos lui faisait du mal, elle était déboussolée et il ne pouvait accepter de la voir comme ça plus longtemps. « Chaos représente un trop grand danger pour te soucier de ce que je pense et penserai toujours de toi. Laisse-moi t’aider, laisse la WRO te transporter à Junon. Il sera sous contrôle, tu n’auras plus à avoir peur… Lucrecia, je sais que c’est difficile et que je t’en demande beaucoup… mais nous n’arriverons pas à maîtriser la situation si tu ne nous aides pas toi aussi… » Il contourna la belle scientifique avec patience et prudence, comme s’il faisait les cent pas. Son visage blafard était si bas qu’il était à moitié enfoui dans le col de sa cape : « Je ne peux pas t’abandonner encore une fois, même si tu me le demandes. »

HARLEY-

Sitôt qu’elle commença à s’avancer d’un pas hésitant vers lui, presque chancelante, Vincent s’arrêta de faire les cent pas. Il ne voulait pas donner l’impression de la fuir alors qu’il voyait parfaitement l’effort qu’elle faisait pour prendre sur elle et maîtriser le monstre. Il lui suffisait de cela pour la trouver admirable. « Je ne veux faire de mal à personne, Vincent … » « Je le sais Lucrecia », la rassura t-il. La couleur de ses yeux retrouvait progressivement ce brun chaleureux et profond. « et je ne pourrais pas le contrôler … Je t'en pris Vincent … » Le regard de l’intéressé croisa le sien et, comme s’il venait de comprendre quelque chose, il se précipita vers sa bien-aimée exactement au même moment où celle-ci s’effondra. D’un bruissement de cape, il se retrouva auprès d’elle en la retenant doucement par les coudes avant qu’elle ne heurte le sol. On aurait dit qu'il craignait qu’elle se fasse mal en chutant sur ses genoux délicats, alors qu’elle avait la force de Chaos Ne cherchez pas de logique. « trouve quelqu'un qui pourra m'arrêter … Je ne veux plus faire de mal à personne » Lucrecia baissa la tête, les yeux hagards. Vincent fit de même pour voir ce qui semblait tant l’effrayer. Il vit que sa main tremblait, celle portant du sang qui n’était pas le sien, comme elle lui avait dit plus tôt. Vincent la couvrit de la sienne, celle humaine car le toucher du gant était toujours plus réconfortant que celui du métal froid. La pression qu’il y exerça était douce et se voulait apaisante. « Des renforts sont en route… » admit-il, reconnaissant donc qu'il y avait quelques chances qu’il ne soit pas sa véritable escorte personnelle jusqu’à Junon, si elle acceptait s’y aller. Il n’était effectivement pas légitime pour lui de l’être. En fait, il était beaucoup trop touché personnellement pour être présent, seulement, il ne pouvait plus partir désormais. Il craignait bien trop que que l’armée, dépassé par la rébellion de Chaos, ne tente de l’abattre. Vincent se devait d’être là pour elle, ce qui pouvait tout simplifier ou, au contraire, tout compliquer. Il avait beau vouloir protéger Lucrecia qu’elle l’accepte ou non, il ne saurait la forcer à faire quoi que ce soit, ni même accepter qu’on la force à quoi que ce soit. « Si je viens avec toi dans cette ville … beaucoup de gens vont mourir … » Vincent fit un léger « non » de la tête.

Quand il releva légèrement ses yeux écarlates vers son visage, son esprit le dupa et il crut voir un sourire sur les lèvres de Lucrecia, ce sourire si doux qu’elle avait autrefois et qu’elle lui avait offert dès leur première rencontre. Lucrecia Crescent, c'est un plaisir de faire votre connaissance, monsieur Valentine, avait-elle dit d’un ton angélique. La force de ce souvenir en lui le laissa hébété une légère seconde mais il se ressaisit promptement. Il le fallait, même si ce sourire lui manquait terriblement. « … Le quartier général de Junon dispose de cellules renforcées. Si tu acceptes cette mesure de protection, je resterai avec toi le temps qu’il faudra. La WRO lancera des recherches et retrouvera la protomatéria. Quand tout ira mieux, tu trouveras un moyen de me rendre Chaos » . Lucrecia avait beaucoup trop de fardeaux, il voulait la décharger de celui-ci et de bien d’autres. « Tu n’es pas obligée d’y aller… si tu préfères rester ici, je trouverai une solution » Faire garder l’endroit par l’armée pour empêcher Chaos de sortir ? Peut-être faire appel à Cid et Yuffie, qui seront plus fermes que lui, mais comprendront la situation délicate. Les pensées du démon bienveillant étaient confuses et s’entremêlaient n’importe comment. Il voulait bien agir, mais il avait peur de se tromper. Or il n’avait pas le droit de se tromper encore. « Dis-moi ce que tu veux Lucrecia… », demanda t-il en soutenant presque timidement son regard tandis qu’il resserrait légèrement ses doigts autour de sa main. Vincent ne pouvait rien promettre mais si la scientifique avait une solution raisonnable, ou même seulement faisable, il ferait tout pour la mettre en œuvre.

HARLEY-

Il ressentit un profond soulagement mêlé de bonheur lorsque les doigts de sa bien-aimée se refermèrent sur les siens. La seule chose qu'il oserait demander à Lucrecia, c'était de le laisser l’aider, or ressentir son acceptation lui ôtait un grand poids. Vincent conservait cette peur de se tromper, de ne pas faire les bons choix, mais il s’autorisa un peu d’optimisme pour une fois. Lui trottait dans la tête cette idée que son amour pour elle l’aiderait à savoir ce qu’il y avait de mieux, que Lucrecia saurait le guider s’il se perdait, que tout irait bien s’ils agissaient ainsi, main dans la main. D’un simple geste, Lucrecia lui donnait un peu d’espoir. L’autre main de la belle scientifique se posa sur sa joue et son coeur se souleva d'appréhension et d’un brin d’angoisse. Sa peau blafarde rougirait comme autrefois s'il avait été un peu plus humain. Le sourire qu’elle lui adressait le bouleversait. Il s’était un peu penché vers elle et on pouvait presque dire de son regard écarlate qu'il bégayait, confondu entre fascination et inquiétude. « Tu as toujours été là pour venir à mon secours … » La lueur de ses yeux vermeils vacilla de tristesse et de mélancolie. Il avait été là oui, mais il n’était pas venu à son secours quand il l’avait fallu… il l’avait laissé affronter le pire, il n’avait rien fait alors qu’il aurait dû. « Si seulement c’était vrai … » regretta t-il à demi-mot. Vincent était son bodyguard, c’était son rôle. Plus encore, il l’aimait, c’était donc facile et inné pour lui de vouloir à tout prix son bonheur. « Je suis tellement désolée, Vincent … » Mal à l’aise, il se mit à buter maladroitement sur les mots, comme il savait si bien le faire devant elle : « Lucrecia, ne me dis plus… tu… tu n’as pas à l’être, pas avec moi. » Elle l’avait sauvé et après cela, elle l’avait soutenu. Vincent en était persuadé. Lucrecia n’était pas passive dans son cristal, il avait toujours emmené un bout d’elle avec lui, il entendait sa voix dans ses moments de doutes, et quand les tourments venaient obscurcir son esprit et son âme, le souvenir du sourire de sa tendre Lucrecia perçait les Ténèbres tel un rayon lumineux et celles-ci se dissipaient. Il n'avait pas su la protéger mais elle, si.

Le chevalier servant hocha doucement la tête aux instructions de la lady. Même s’il n’appréciait pas de l’idée de la savoir les mains liées, c’était au moins de son plein gré. Lucrecia se recroquevilla légèrement sur elle-même, cette vision d’elle lui fendait le coeur. Laissant ses doigts liés au sien, il avança son autre main hésitante et caressa doucement ses cheveux d'un geste apaisant. Vincent baissa la tête à son tour et n'osa même plus la regarder lorsqu’elle mentionna Sephiroth. Le sujet était très délicat, car on ne pouvait vraiment rien en dire de rassurant. Genre vraiment rien du tout. « Où qu’il puisse être, ce serait bien trop dangereux… même pour toi. Jenova ne sera jamais loin » Au nom de Lucrecia, il preférait faire passer la Calamité pour la véritable menace même s'il n'y croyait pas vraiment. Vincent ne tolérerait pas que la belle se trouve dans le même périmètre que le Cauchemar. Non pas qu’il était fermé à la discussion, mais il avait très peur pour elle, peur de la réaction de l’ex-général s’il venait à découvrir son identité, peur des projets de Jenova si celle-ci apprenait que la mère biologique de Sephiroth voulait le retrouver. Mais il était son fils, Vincent ne pouvait pas attendre de Lucrecia qu’elle abandonne l’idée de le revoir et de le sauver. Ce serait comme lui demander à lui d’abandonner l’amour de sa vie. Ridicule. Mais comment sauver Sephiroth ? Comment seulement croire qu’une telle chose était possible ? Le bodyguard ne pouvait pas rester dans cette impasse. C’était trop tôt encore, mais un jour il prendrait une décision, la bonne, et elle devait être mûrement réfléchie. Pour l’instant, la situation requérait une toute autre vigilance. Vincent releva légèrement le menton en entendant le bruit caractéristique des pales d’un hélicoptère. Les renforts étaient là. Il prit délicatement les épaules de la brune et l’invita à se relever en douceur. Vincent était conscient du risque de pouvoir se prendre, à tout moment, une dérouillée de Chaos, mais il s’en moquait éperdument. « Allons vers le hall d’entré, nous y attendrons les renforts. Je préviens Reeve » dit-il en sortant son PHS. Il chercha Reeve dans ses contacts et l’appela. Leur chef, sur le qui-vive, décrocha avant même la fin de la première sonnerie. « Chaos est responsable du grabuge à Nibelheim. Il a trouvé un autre hôte, c’est… Lucrecia. Nous devons l’escorter jusqu’à Junon. Elle... » il jeta un coup d’oeil timide vers elle pour rechercher son soutien, car la suite s'avérait compliqué à formuler pour lui. « Lucrecia demande à être attachée et enfermée pendant le voyage, par sécurité ».  La scientifique avait raison de toute façon, les quelques détenteurs de matérias Sceller n’auraient pas forcément raison de Chaos à eux seuls. Passé la surprise de la nouvelle sur Lucrecia la seule et unique, Reeve le rassura sur un point : ils avaient tout le matériel nécessaire, y compris celui de protection.

HARLEY-

« Je comprends » reconnut-il. Oui, il était son fils, le bodyguard ne pouvait rien argumenter. Lui-même se sentait responsable du sort de Sephiroth. Plutôt que de se laisser dépérir, il aurait dû protéger l’héritage de sa bien-aimée, ce fils qu’on lui avait arraché. Son statut de monstre l’avait achevé psychologiquement, allons savoir si cette excuse était convenable, lui trouvait que non. La lady prit son bras. Côte à côte, ils quittèrent le laboratoire et longèrent le couloir lugubre qui donnait aussi sur la salle au cercueil. Deux fantômes du passé réunis dans le présents, intemporels mais aussi foncièrement différents. Vincent n’aurait jamais cru cela possible, qu’un jour, il marcherait de nouveau aux côtés de sa tendre Lucrecia dans ce lieu mystique renfermant tant de souvenirs, heureux et malheureux. C’était comme un songe. Il vivait ce songe. Dans son esprit, Vincent était fringuant comme autrefois, Lucrecia portait sa blouse blanche. Elle était accrochée à son bras car elle requérait malicieusement ses services pour une tâche qui le ferait certainement bégayer. Une danse, un jeu, une plaisanterie. Il la suivait avec cette même timidité qu’autrefois, doublé de cette volonté de bien agir, de lui faire plaisir. Le songe se dissipa. « Je te remercie pour tout ce que tu fais, Vincent …. » Le chevalier servant tourna la tête vers sa lady en lui adressant un léger sourire timoré mais tout aussi bienveillant également. Elle n’avait pas besoin de le remercier, c’était naturel pour lui. D’une part c’était son devoir envers la WRO et envers la population, mais il considérait cela avant tout comme son devoir envers elle. Il ne voulait en revanche ni sa reconnaissance, ni ses remerciements. Il voulait qu’elle retrouve foi, qu’elle croit en l’avenir, qu’elle retrouve l’envie de vivre, qu’elle se pardonne. Il voulait mener la quête de son bonheur, ce qui induisait, peut-être, trouver cette solution impossible au problème de Sephiroth. Vincent était capable d’y croire, pour elle. Il était capable de l’envisager, de l’accompagner dans cette entreprise au moins pour veiller à sa sécurité. En attendant, il n’était pas en mesure de répondre à une question toute bête. Sephiroth avait eu des camarades au SOLDAT. Il avait été le supérieur de Zack Fair qui était mort, et Vincent n’en connaissait pas vraiment d’autres de plus proche. Une autre personne pouvant parler de la vie antérieure de l'argenté était Hojo bien sûr, mais Hojo n’était même pas une référence qu’il serait question de mentionner. Il était mort aussi de toute façon. « Je ne sais pas, Lucrecia » dut-il reconnaître avec dépit, ce qui ne l’empêcha pas de promettre : « Je me renseignerai… »

Les renforts ne tardèrent pas à investir le manoir. Les hommes étaient équipés jusqu’aux dents et protégés par des sorts de barrière. Vincent se tendit en voyant que de nombreuses armes étaient pointées sur la belle scientifique. Il comprenait l’inquiétude ambiante mais elle était Lucrecia. Ce traitement était indigne d’elle, il aurait presque voulu s’excuser de ce tort dont il n’était pas responsable. On demanda soudainement à Vincent de s’éloigner pour le bien de la mission, car il s’était instinctivement rapproché d’elle en les voyant, comme si c’était eux, la menace. Il réalisa que c’était ridicule, c’était également plus fort que lui. Embêté et se sentant comme un cheveux sur la soupe, il échangea un regard avec Lucrecia pour rechercher son soutien, puis il fit quelques pas en arrière afin de les laisser prendre les dispositions nécessaires. Vincent baissa la tête, enfouissant son menton derrière son col. Son regard carmin fixait le sol crasseux. « Ça va aller ? », questionna t-il tout bas à l'intention de Lucrecia. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était suivre, être présent. Deux hélicoptères s'étaient posés proche de Nibelheim, et quand on demanda à Vincent de ne pas emprunter le même que celui de la scientifique. Celui-ci secoua la tête en signe de négation. Même si c'était les ordres, il ne pouvait s'y plier.

HARLEY-

Il était déjà à peu près hors de question que Lucrecia soit laissée seule avec ces hommes armés jusqu’aux dents… mais lorsqu'en plus, la belle scientifique intervint elle-même pour insister, avec ce grain de voix qui lui crevait le cœur, même l’armée de Jenova n’aurait su lui retirer gain de cause. Fendant l’air de sa cape carmine d’un ferme mouvement du bras pour marquer la fin des négociations, le chevalier s’avança et prit, tout d’un coup beaucoup plus timide, le bras de la lady pour donner une impulsion vers le haut. Sa main monstrueuse veillait à la rattraper si jamais elle rencontrait une anicroche en montant dans l’engin. Il fut un brin soulagé que tout se déroule sans problème, parce qu’il songeait presque bêtement que, malgré ses précautions, ses griffes d’or aurait pu la blesser en la rattrapant. Vincent monta à sa suite et suivit ses pas. Il s’installa à côté d’elle à sa demande, amenant certainement un léger soulagement de la part des soldats. Lucrecia était un ange maculée de sang, elle leur faisait peur car même si sa silhouette était frêle, on connaissait la cruauté et la force du démon qu’elle abritait. Quand bien même ses mains étaient liées, au grand dam de Vincent détestant la voir traitée ainsi, qui aurait voulu s’asseoir à côté de Chaos ? Le bodyguard fut plongé dans un silence quelque peu mélancolique. Sa tendre Lucrecia ne suscitait pas la peur habituellement, elle suscitait l’admiration. Son sourire rayonnant saurait obliger n’importe qui à se plier en quatre pour elle. « Parle-moi, Vincent … » l’intéressé taciturne tourna la tête vers elle, une lueur vacillante d’inquiétude imprégnant son regard écarlate. « Qu'est-ce que c'est exactement … la WRO ? » Sa belle avait peur pour la suite, elle était entourée de militaires dont elle ne connaissait pas les visages, dans un appareil qui l’emmènerait dans un organisme qu’elle ne connaissait pas vraiment non plus, si ce n’est qu’il se trouvait à Junon. Comme il avait l’impression qu’une part de Lucrecia l’accompagnait toujours dans ses périples, le démon pourpre avait eu l’impression qu’elle était familière à tout ceci, une chose qu’il était ridicule d’avoir cru. Vincent était parfois encore si… crédule.

« Il s’agit de l’Organisation pour la Régénération du Monde. Elle a été crée il y a peu et n’a rien à voir avec la Shinra. Cette initiative de redressement était nécessaire après la propagation du fléau de Jenova. L’armée protège et encadre la population, tu peux leur faire confiance Lucrecia… », promit-il, encore une fois avait-il fait l’effort de ne pas mentionner Sephiroth, et pourtant les personnes contaminées par le fléau lui répondaient bien, à lui. Vincent marqua une légère pause, et baissa un peu le menton en fouillant intérieurement les autres informations susceptibles d’être rassurantes. « Reeve en est le directeur. C’est un ami, il connaît Chaos et … il te connaît aussi », admit-il. Effectivement, tous les amis de Vincent connaissaient Lucrecia et l’importance vitale qu’elle avait pour lui. Sa simple intonation tendre et admirative chaque fois qu’il la mentionnait valait bien tous les récits qu’il pouvait en faire. Dès que l’appareil se mit en marche et qu’il devint difficile pour le bodyguard de se faire entendre, celui-ci ne se laissa pas décourager et se pencha vers sa bien-aimée. « Ils nous aideront à trouver une solution », ce nous n’avait aucune prétention si ce n’est celle que les problèmes de Lucrecia étaient aussi ceux de son protecteur. Vincent tourna doucement la tête vers la fenêtre, observant l’horizon s’éloigner de plus en plus tandis qu’ils prenaient de la hauteur. Puis, il ramena son attention vers l’être le plus précieux et cher à son cœur, qu’il avait perdu depuis si longtemps et dont il avait désespéré de réentendre la voix pendant tant d’années. « Je suis prêt », dit-il après un long moment de mutisme. Pour la suite, pour aider Lucrecia et ne plus jamais faillir à son devoir. Cette fois il avait la force, cette fois il était prévenu. Il ne devait plus inquiéter sa belle à cause de ses propres doutes. Vincent avait conscience que, pour se rattraper auprès de Lucrecia, c’était maintenant, c’était sa chance. S’il échouait, il n’en aurait plus jamais. Le chevalier servant savait que le chemin était long à parcourir encore, mais il était prêt.

HARLEY-